Double destinée

samedi 10 mars 2018, 13h45

La Filmothèque du Quartier latin Hors les murs

13h45 15h25 (98 min)

Roberto Gavaldón
Mexique / 1946 / 98 min / DCP / VOSTF
D'après le roman de Rian James.

Avec Dolores del Río, Augustín Irusta, Victor Junco.

María, une pauvre employée, assassine sa soeur jumelle Magdalena, une riche bourgeoise récemment devenue veuve, pour prendre sa place.

Double destinée appartient au catalogue de la Filmoteca de l'UNAM qui a conservé les éléments d'origine. Le film a été numérisé par le laboratoire de la Cineteca Nacional, à partir d'un négatif 35 mm nitrate.


Tourné en 1946, Double destinée représente la première d’une série de collaborations majeures entre Roberto Gavaldón, le romancier et scénariste de gauche José Revueltas et le directeur de la photographie canadien, Alex Phillips. Le film offre à Dolores del Rio un rôle dédoublé, puisqu’elle y campe à la fois une Magdalena riche et hautaine et sa sœur démunie, María. C’est l’histoire d’une femme perdue par son ambition dévorante. Les décors luxuriants et baroques sont du peintre et dessinateur Gunther Gerzo. On pourrait dire qu’il s’agit à la fois d’un mélodrame criminel et d’un thriller psychologique.
Selon le critique mexicain Carlos Bonfil, Double destinée est la première œuvre majeure à traiter du désenchantement social mexicain. María est une femme pauvre et modeste, une manucure, qui fait preuve d’une jalousie obsessionnelle à l’égard de sa sœur, qui vit dans le luxe avec hôtel particulier et enfilade de robes magnifiques. Mue par une ambition froide et une absence de conscience morale, María veut assumer l’identité de l’autre. Il y a là un exemple quasi unique de représentation de femme mexicaine, car dans les films révolutionnaires comme dans les mélodrames, les femmes se devaient d’être honnêtes et discrètes, seulement objets du désir masculin. Cette vision de la femme était plutôt celle du film noir hollywoodien, alors en plein essor, telle qu’elle apparaît à travers des films comme Le Faucon maltais (John Huston, 1941), Assurance sur la mort (Billy Wilder, 1944), Les Tueurs de Robert Siodmak ou Le Facteur sonne toujours deux fois de Tay Garnett, ces derniers sortis la même année que Double destinée. Ici, la femme est à la fois femme fatale et protagoniste, séductrice et séduite. Elle est elle-même et une autre, selon un schéma de dédoublement que Gavaldón et Phillips explorent de manière magistrale, à travers leur utilisation de miroirs et d’axes inattendus, qui deviendront une thématique récurrente de l’œuvre du réalisateur.

Chloë Roddick