C'est le producteur Arthur P. Jacobs qui acheta les droits du roman de Pierre Boulle La Planète des singes et convainquit la Twentieth Century Fox du potentiel commercial d'une adaptation qui fut tournée pour un budget de 6 millions de dollars. Un astronaute découvre une planète dirigée par de singes intelligents et doués de parole. Ceux-ci ont réduit les hommes, désormais incapables de parler, en esclavage. Réalisé par Franklin J. Shaffner et écrit par Rod Serling (oui, le créateur de La Quatrième dimension) et Michael Wilson, le film peut être vu comme une fable et se distingue par une forme de violence qui plonge le héros, incarné par Charlton Heston, dans une suite de situations masochistes. Il aborde de façon inversée et ironique (le singe descend-t-il de l'homme ?) le débat divisant darwinistes et créationnistes et se conclut (et ce fut l'apport de Serling) par une mise en garde traumatisante face au danger nucléaire. Le succès du film engendra quatre suites tournées au rythme d'un titre par an, toujours pour Arthur P. Jacobs et la Twentieth Century Fox mais pour des budgets de plus en plus réduits. Les scénarios des quatre films suivants furent confiés au britannique Paul Dehn. Le Secret de la planète des singes, réalisé par Ted Post, a le charme de ces sequels agrémentant le postulat de base de détails baroques et feuilletonesques dont ces mutants télépathes adorateurs de la bombe atomique réfugiés dans ce qui reste du métro de New York après une apocalypse nucléaire. Mais c'est avec le troisième épisode, Les Évadés de la planète des singes, signé Don Taylor, que les scénaristes bouclent la boucle en expliquant la domination simiesque par un paradoxe spatio-temporel. Un couple de singes intelligents venu du futur va donner naissance à celui qui mènera une guerre de conquête pour la domination de la terre. Les deux derniers films, réalisés par Jack Lee Thompson, l'incroyablement violent La Conquête de la planète des singes et La Bataille de la planète des singes, décriront ainsi un affrontement entre l'humanité et les singes, métaphore des luttes sociales et raciales, de l'esprit de contestation et déjà d'un certain désenchantement qui agitent l'Amérique en ce début des années 1970. Car au-delà du plaisir pris à la vision de cette saga devenue mythique, notamment grâce aux maquillages de John Chambers, c'est à une allégorie politique que cette série en forme de fable de science-fiction nous invite.

Jean-François Rauger