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Le premier film parlant de Fritz Lang est une plongée terrifiante dans les bas-fonds d'une ville, dans lesquels se révèle une société fondée sur la rumeur et la dénonciation. Encore marqué par l'expressionnisme, le film est conçu comme un piège, où ombres, lignes, grilles et reflets enserrent peu à peu le maudit, l'entraînant dans un labyrinthe sans issue. Le destin de l'homme traqué, mais aussi la vengeance et la pression des masses sont autant de thèmes qui marqueront, quelques années plus tard, les débuts américains de Lang, mais aussi tout le film noir. La démarche titubante et les yeux exorbités, Peter Lorre offre une interprétation pathétique, inoubliable. Sa gestuelle expressive et la ritournelle de Peer Gynt, qu'il siffle de façon obsédante, contribuent à inscrire le film dans la liste des grands classiques, d'une puissance sans égale.
« On a coutume de réduire M le maudit à son anecdote, c'est-à-dire de n'y voir que le cas pathologique offert par un assassin d'enfants, cas admirablement exposé et incarné par Peter Lorre avec une science de comédien qui tient du génie. Cette manière d'envisager une œuvre en diminue singulièrement la portée. Car M Le maudit dépasse de loin la simple description d'une névrose individuelle pour cristalliser, avec une violence expressive exceptionnelle, à la fois l'esprit d'une époque et celui d'une société définie : en 1931, il possédait des accents prophétiques. Cet homme, rongé par la solitude et le désœuvrement, qui rôde autour des préaux et qui offre aux enfants des sucreries ou des ballonnets, est un homme qui souffre d'abord d'un mal social. En lui, les contradictions d'un régime économique et politique atteignent un stade de virulence dangereuse et sa maladie psychique n'est en définitive que celle, personnalisée, de la république de Weimar agonisante le long de ces rues sans joie, de ses files de chômeurs, tandis que sous le couvert du socialisme, le nationalisme revanchard plante les premiers jalons de « l'ordre nouveau ». » (Freddy Buache)