Re-animator

vendredi 10 juin 2016, 20h00

Salle Georges Franju

20h00 21h45 (104 min)

Stuart Gordon
Etats-Unis / 1985 / 104 min / 35 mm / VOSTF

Avec Jeffrey Combs, Bruce Abbott, Barbara Crampton.

Un étudiant de médecine arrive à ressusciter le chat mort d'un de ses amis en pratiquant des expériences louches dans un laboratoire en sous-sol.

« Je suis le génie qui lui a donné une nouvelle vie ! » Cette parole prononcée par le vieux Docteur Max Kirschner (Ray Milland, l’homme au regard perçant) face à un gorille bicéphale est reprise par le jeune Docteur Herbert West (décapant Jeffrey Combs) contemplant un zombie en charpie. Les deux savants fous, antipathiques et drolatiques, ne sont pas si éloignés d’un Georges Méliès s’amusant à gonfler sa tête décapitée, avant qu’elle explose, dans L’Homme à la tête de caoutchouc. Cette attraction filmique rendait burlesques les expériences scientifiques pratiquées sur les têtes de guillotinés pendant la Terreur révolutionnaire.

Placer une tête décapitée assoiffée de pouvoir sur un corps acéphale agité est un geste éminemment politique. En 1972, quand Lee Frost bricole un ingénieux remake racial de The Incredible 2-Headed Transplant (1971) d’Anthony M. Lanza, Richard Nixon est à la tête du pays. La Chose à deux têtes dénonce l’Amérique blanche dégénérée, républicaine et raciste, qui traite les citoyens noirs comme corps social asservi manipulable à merci. En 1985, Stuart Gordon transpose la nouvelle de H. P. Lovecraft, Herbert West, réanimateur (1922), dans le capitalisme sauvage de Ronald Reagan. Ré-animator exhibe les faces cachées du puritanisme WASP : débilité profonde du fanatisme religieux, sexualité débridée refoulée, désir totalitaire de contrôle sur une population morte-vivante réanimée artificiellement par un fluide fluorescent vert… comme des dollars en effervescence liquide.

Le dérèglement emprunte deux voies distinctes : la comédie d’horreur vs la comédie d’action. Les délires macabres du Docteur West aménagent du pur Grand-Guignol dans les théâtres du sous-sol. Parmi les sketches gore de plus en plus insensés et frénétiques, il y a un head job (le terme anglais pour cunnilingus) avancé par la tête décapitée d’un autre savant fou (David Gale, frappant sosie de Vincent Price). Le détournement de la musique composée par Bernard Hermann pour Psychose, avec la batterie en plus, crée un décalage détonant et humoristique. Le charme plus groovy du film de blaxploitation provient de la cocasserie des courses poursuite. Rosey Grier et Ray Milland se déplacent au ralenti dans un costume extra extra large où s’embarrassent à tour de rôle d’une caboche en toc recréée d’après le visage du comédien manquant. Mais finalement, le tour de magie du « décapité parlant », à l’origine d’Un homme de têtes de Méliès, refait le lien entre ces deux pitreries brillantes et décalées.

Diane Arnaud