Tucker

Tucker Tucker, the Man and His Dream

Francis Ford Coppola
États-Unis / 1988 / 110 min

Avec Jeff Bridges, Joan Allen, Martin Landau, Frederic Forrest.

À la fin des années 1940, Preston Thomas Tucker propose au public une voiture révolutionnaire, avant d'être brisé par les trois géants de l'automobile qui le considèrent comme un concurrent trop dangereux.

Tucker retrace la brève et flamboyante épopée dans l'industrie automobile de Preston Thomas Tucker (1903-1956), inventeur philanthrope et visionnaire, personnage « bigger than life », illustrant le rêve américain, ses trucages, ses mensonges, ses complots. Présenté dans un carton d'ouverture comme un faux film promotionnel réalisé par Tucker Corporation, Tucker brille comme la laque et le lustre des belles carrossées de l'époque, image spectaculaire en Technicolor, sous influence directe des meilleurs chefs opérateurs (Russell Metty est cité par la critique), avec montage tonitruant, volontairement artificiel et publicitaire (transitions abruptes, split screens, inventions diverses ultra-stylisées). Produit par George Lucas, Tucker permet paradoxalement à Coppola d'affirmer un statut d'auteur : le film est un échec (budget à vingt-cinq millions de dollars pour seulement huit millions de recettes aux États-Unis et au Canada), mais soutenu par la critique. Il lui faudra attendre les succès du Parrain III (1990) et de Dracula (1992) pour que Coppola surmonte ses précédents échecs commerciaux. En choisissant l'histoire d'un innovateur rêveur et écrasé avant même d'avoir une chance sur le marché, Coppola fait de Tucker un double poignant. Les passerelles autobiographiques sont nombreuses : de l'insubmersible force familiale aux inventions incomprises et méprisées (le prototype Coup de cœur n'est pas loin), à la gloire de la « création collaborative autour de l'essai d'une idée », en passant par les déconfitures de la société Zoetrope. Si Tucker est entouré de Preston Jr., Abe, Eddie ou Jimmy, Coppola s'entoure de sa femme et de leurs enfants, de Fred Roos ou encore Dean Tavoularis. De façon plus troublante, la sobre dédicace à son fils Gian-Carlo (Gio), disparu tragiquement et « qui aimait les voitures », se surimpressionne avec une émotion distanciée sur la séquence où Preston Jr. (Christian Slater) annonce à son père qu'il n'ira pas à l'université, qu'il ne deviendra pas président des États-Unis, mais qu'il restera à ses côtés pour apprendre le métier.

Émilie Cauquy