Les 100 ans de la Nordisk

Du 14 au 26 mars 2007

Les 100 ans de la Nordisk

On a dit que le cinéma danois connaissait aujourd’hui un nouvel âge d’or. Dire cela implique qu’il en ait connu un précédent. Ce premier âge d’or survint avec la naissance du cinéma. On le doit plus ou moins à l’imagination d’un homme et à ses talents d’entrepreneur. Cet homme s’appelait Ole Olsen. En 1906, il fonda la Nordisk Film Kompagni, une société qui poursuivit ses activités non seulement dans tous les aspects du film, mais aussi dans les médias associés, au Danemark et plus tard dans toute la Scandinavie.

Né en 1863, Ole Olsen débuta comme artiste de foire avant de se lancer dans le cinéma. Dès 1880, il gagna de l’argent en présentant sous forme de peep show un dessin paru dans un journal illustrant la tentative d’assassinat spectaculaire du chef du gouvernement danois J. B. S. Estrup. La version d’Ole Olsen est qu’il loua une boîte avec un viseur pour ce que son propriétaire estimait être le salaire d’une journée : 5 couronnes. À la fin de la journée, Ole Olsen avait 260 couronnes en poche. Il est difficile de savoir si cette histoire est vraie ou non, mais cette anecdote est révélatrice de sa compréhension du public et de sa fascination pour les événements sensationnels.

Après avoir gagné une petite fortune en gérant un grand cinéma à Malmö, en Suède, il retourne à Copenhague et obtient la permission d’ouvrir une salle de spectacle, le BiografTeatret, dans le centre-ville. Un peu à la manière des pionniers qui fondèrent Hollywood, il fut poussé à créer une compagnie de production, n’ayant pas assez de nouveaux films pour satisfaire une clientèle avide d’images et sans cesse grandissante. Il acheta donc un terrain à Valby, dans la banlieue de Copenhague, qui demeure le quartier général et le studio de la compagnie. Il réalisa bientôt qu’il ne devait pas se cantonner à produire des films et à les programmer dans son propre cinéma. Pourquoi ne pas organiser un laboratoire et s’occuper de la distribution ? Très tôt, Ole Olsen comprit qu’une organisation verticale serait bénéfique, idée considérée alors comme risquée. Rétrospectivement, c’était la décision la plus sage.

La période muette peut être divisée selon la structure classique : ascension, sommet, décadence.

Comment commence-t-on à faire des films ? Qui allait les réaliser ? Personne n’avait d’expérience en la matière, mais Ole Olsen demanda à un des garçons qui vendait le programme du cinéma d’aller à Valby pour commencer à y faire des films. Axel Graatkjaer devint directeur de la photo et travailla sur tous les films de la Nordisk de 1906 à 1913. En 1913, il partit en Allemagne poursuivre sa carrière pendant les 20 années qui suivirent. Le gérant du cinéma était Viggo Larsen, et lui aussi fut envoyé à Valby. Il devint le réalisateur de presque tous les films jusqu’en 1909. Plus tard, il partit lui aussi en Allemagne pour y poursuivre sa carrière. En 1907, la Nordisk produisit La Chasse au lion, premier grand succès de la compagnie. 259 copies de ce film furent vendues. Les lions avaient été achetés au zoo de Hambourg pour la coquette somme de 5 000 marks par tête. La production de ce film mit Olsen dans l’embarras quand la société locale de défense des animaux se plaignit auprès du ministère de la justice. Les autorités interdirent le film, ce qui n’empêcha pas Olsen de reprendre le tournage quelques jours plus tard. Axel Graatkjaer, lui, passa même un jour en prison. Olsen fit passer le film en fraude en Suède, action courageuse de sa part car le film était interdit par la loi au Danemark et faillit lui coûter l’autorisation d’exploitation de son cinéma. La Chasse au lion sortit internationalement en 1907, mais seulement à la fin de 1908 au Danemark, après l’abandon des accusations de cruauté envers les animaux. La compagnie sortit un nombre important de films durant les premières années. De 1906 à 1909, près de 250 films de fiction et à peu près autant de documentaires furent produits.

De 1911 à 1916, la Nordisk connut sa période la plus faste. Entre 1909 et 1913, trois studios supplémentaires furent construits à Valby, et 736 films de fiction et à peu près 250 documentaires furent réalisés. La Nordisk devint une véritable « usine à films », dont le personnel travaillait dans de petites unités dévolues à différents genres. À partir de 1911, des acteurs de théâtre furent engagés de façon permanente. La même année, on créa un département des scénarios et la direction établit des directives très précises à l’usage des nouveaux scénaristes. Les films de la Nordisk devaient viser le marché mondial, les histoires en conséquence devaient se dérouler dans un milieu international, et mettre en scène les classes supérieures. Durant cette période, le genre du « mélodrame érotique » fut développé dans le studio, probablement inspiré par l’étonnant et sensationnel succès de l’actrice Asta Nielsen et de son film L’Abîme (Afgrunden, 1910). De plus, le studio avait sous contrat des stars très populaires. La plus grande d’entre elles, Valdemar Psilander, travailla pour le studio de 1911 à 1916 et fut la tête d’affiche dans 83 films. Psilander mourut au début de 1917, à 32 ans, ce qui accrut davantage encore sa popularité. La compagnie avait des bureaux de vente et des agents sur tous les continents, le marché domestique ne représentant que 2% du revenu total. La compagnie ne défendait pas un dogme artistique et tournait des fins différentes en fonction des différents marchés. On fournissait ainsi aux Russes les fins tristes et tragiques qu’ils aimaient, et aux spectateurs du marché domestique les fins heureuses qu’ils préféraient.

Le déclin de la Nordisk commença en 1917. La Première Guerre mondiale rendait difficile la distribution des films. La branche new-yorkaise ferma en 1916. Le marché russe se ferma en 1917, et les énormes profits générés par l’Allemagne se transformèrent bientôt en pertes énormes. La stratégie concernant les films de fiction fut de produire moins, mais avec un plus gros budget et un maximum de stars. L’argent servit alors aux adaptations littéraires, par exemple à quatre films ambitieux et coûteux adaptés des célèbres romans de Charles Dickens et à des histoires d’amour dans des décors plus ou moins exotiques. La Nordisk produisit aussi une adaptation du roman Atlantis, signé de l’écrivain allemand et Prix Nobel Gerhardt Hauptmann. Mais bientôt, l’industrie américaine du film occupait le marché et le premier âge d’or du cinéma danois était fini. En 1922, Ole Olsen démissionna du poste de directeur général et, en 1923, lui et le conseil de direction furent obligés de démissionner après une dramatique baisse des actions de 9 millions de couronnes à 3 millions. En 1928, la Nordisk était contrainte à la liquidation. Mais un puissant homme d’affaires, Carl Bauder, sauva la compagnie en prenant son contrôle dès 1926. Il réorganisa la compagnie et acheta à une société suédoise les brevets pour faire du cinéma sonore. Il fonda la Nordisk Tonefilm, qui vendait à la fois films et équipements. Plus tard, il poursuivit en justice les grandes compagnies américaines, les accusant d’avoir dérobé ses brevets. Il gagna son procès et perçut pendant quelques années un pourcentage sur le chiffre d’affaires des compagnies américaines.

Cette programmation a été conçue pour donner une idée générale du style et des productions de la compagnie durant la période muette. Quelques uns des premiers courts métrages des différents genres sont présentés, ainsi que les premiers récits à sensation sur la traite des blanches ou l’Orient fascinant et mystérieux. La sélection comprend également des exemples de ce qui a été appelé le « mélodrame érotique », quelques films de science-fiction, des films catastrophe, ces derniers peut-être inspirés par la situation mondiale avant et durant la Première Guerre mondiale. Dans cette sélection seront aussi montrées les adaptations littéraires tardives et les films avec des acteurs célèbres, comme Valdemar Psilander et la très belle Karina Bell. Figurent également le chef-d’œuvre de Dreyer, Pages arrachées au livre de Satan, et Le Clown de Sandberg, qui connut un grand succès.

Dan Nissen

Les films

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Partenaires et remerciements

Nordisk Films Kompagni, The Danish Film Institute Archive & Cinematek (Dan Nissen, Thomas C. Christensen, Judith Aisen), le Giornate del Cinema Muto (Pordenone/Sacile).