Le film d'opéra

Du 17 au 18 février 2007

Cinéma et opéra

La Cinémathèque française s’associe aux premières Journées Européennes de l’Opéra qui se déroulent du 16 au 18 février 2007 pour célébrer quatre siècles d’opéra. À travers l’Europe, des théâtres d’opéra organiseront des événements spéciaux pour présenter leur lieu et leur travail à de nouveaux publics. Pendant ces trois jours, l’Opéra National de Paris accueillera une conférence pour discuter du rôle et de l’avenir de l’opéra. La Cinémathèque française a imaginé une programmation spéciale dédiée aux films d’opéra, le samedi 17 février 2007 : l’opportunité de participer à la valorisation d’un art qui a inspiré de grandes œuvres cinématographiques, et de permettre à nos spectateurs de les découvrir ou redécouvrir. L’Opéra Bastille proposera le dimanche 18 février une programmation des films La Flûte enchantée de Kenneth Branagh et Carmen Jones d’Otto Preminger.

L’opéra, en gros plan

Le cinéma et l’opéra ont très souvent fait bon ménage. On connaît les films d’opéra les plus célèbres : La Flûte enchantée d’Ingmar Bergman, et bien sûr le Don Giovanni de Joseph Losey. Dans cette short list, figurent également le magnifique Moïse et Aaron de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, d’après l’opéra d’Arnold Schönberg, sans oublier les films réalisés par Francesco Rosi (Carmen), Hans-Jürgen Syberberg (Parsifal), Andrzej Zulawski (Boris Godounov), Luigi Comencini (La Bohême), Benoît Jacquot (Tosca), ou encore Madame Butterfly de Frédéric Mitterrand. Il en existe d’autres, réalisés pour la télévision, et qui ne sont que de purs enregistrements techniques de mises en scène « théâtrales » – cela n’a évidemment aucun caractère péjoratif. Les films cités ont ceci en commun d’avoir été conçus par et pour le cinéma, nécessitant des moyens spécifiques liés à la mise en scène cinématographique. Ainsi les chanteurs, transformés en acteurs, devaient se plier au découpage cinématographique, se mouvoir différemment à l’intérieur d’un espace et de décors, du fait des impératifs de la technique cinématographique. Autant dire que ces aventures artistiques furent complexes, souvent lourdes. Mais elles mettaient au défi ces deux arts, l’opéra et le cinéma, de trouver un terrain d’entente et un langage commun.

Chacun sait le rôle éminent joué par Daniel Toscan du Plantier, passionné par l’opéra autant que par le cinéma. Il fut au début des années quatre-vingts à l’initiative de la plupart de ces films. Autant dire un « passeur ». Ce qui intéressait Toscan du Plantier, c’était de mettre au défi le cinéma d’enregistrer les grands airs d’opéra, de les graver sur pellicule, et surtout, de leur donner un prolongement visuel grâce à l’expérience de cinéastes prestigieux et internationaux. Le but était aussi de mettre l’opéra à la portée du public le plus large. Pour ce faire, le cinéma retournait vers le studio, faisait appel à de grands ténors (Ruggero Raimondi, qui se prêta très souvent au jeu, Placido Domingo, Kiri Te Kanawa, José van Dam, Teresa Berganza, Julia Migenes, Roberto Alagna, Angela Gheorghiu, etc.). L’opéra entrait ainsi de plain-pied dans l’ère audiovisuelle. Une œuvre unique devenait « reproductible », puisque enregistrée sur pellicule. Le développement des techniques numériques, avec notamment le support DVD, donne aujourd’hui à ces films d’opéra une vie nouvelle, puisque chacun peut chez soi les revoir avec des conditions de projection, images et son, de très bonne qualité.

Qu’est-ce qu’un opéra gagne en étant filmé ? C’est une question intéressante, essentielle. Inversement, comment le cinéma y trouve-t-il son compte ? On peut dire que l’opéra a tout à gagner du gros plan. Quand vous assistez à un opéra, vous voyez la scène en plan d’ensemble. Vous en avez une vue large, synthétique, mais lointaine. Ce qui manque au spectateur, c’est la possibilité de se rapprocher des protagonistes, pour les voir en gros plan. Au cinéma vous êtes avec et parmi les chanteurs. Vous les voyez de près. Rien de leur jeu ou de leur mimique ne vous échappe : ils chantent pour vous seul. Ils se transforment en personnages de fiction. Autre avantage du film d’opéra : les sous-titres. Un air dont vous connaissez par cœur le livret, le rythme et les modulations, devient soudainement plus familier dès lors que vous avez cette possibilité d’en lire simultanément les sous-titres. La dimension à la fois grandiose et triviale de l’opéra n’en apparaît que plus visible, plus forte, plus émouvante et plus mystérieuse. Grandiose parce que les sentiments, même s’ils sont simples, s’expriment de manière tragique, exagérée, éloquente. Triviale, parce que l’on se rend compte qu’à la base des plus grands airs d’opéra, il y a souvent une histoire simple : un homme, une femme, un amant… Le cinéma sert au fond de « révélateur » à l’opéra. Il en dit la vérité, en l’amplifiant.

Serge Toubiana

Les films

Madame Butterfly
Frédéric Mitterrand , 1995
Sa 17 fév 21h30   HL
Moïse et Aaron
Jean-Marie Straub, Danièle Huillet , 1974
Sa 17 fév 14h00   HL
Tosca
Benoît Jacquot , 2000
Sa 17 fév 19h00   HL

Partenaires et remerciements

Les Films sans Frontières, Pyramide, Les Films du Losange, la Cinémathèque de Toulouse.