Traces antonioniennes dans les collections de la Cinémathèque française

Antonella Rotolo - 15 avril 2015

Au détour d’un dossier, une écriture fine et rapide, comme jetée sur le papier avec empressement retient notre attention. Elle est vive et déterminée. En regardant de plus près, on s’aperçoit que c’est de l’italien. Il s’agit de la description d’une scène, d’un dialogue et là apparaissent les noms des personnages, Clelia, Carlo, Momina, aucun doute il s’agit de Femmes entre elles d’Antonioni. L’écriture n’est plus une simple écriture au hasard, elle prend son sens : peut être est-ce celle du maître Michelangelo ?

Ce n’est pas la seule trace d’Antonioni à la Cinémathèque française. Il a laissé également d’autres feuillets annotés concernant La Notte (La Nuit) ou L’ Eclisse (L’Eclipse), conservés dans la « Collection Jaune ». En 1960, Henri Langlois organise rue de Courcelles un hommage à Michelangelo Antonioni et Monica Vitti pour L’Avventura. Probablement ce fut l’occasion d’un don du réalisateur au directeur de la Cinémathèque française, permettant à ces documents inédits d’entrer dans nos collections. Par ailleurs, plusieurs photographies de la réception sont consultables à l’Iconothèque.

À propos de l’affaire Carné / Antonioni : le fonds Marcel Carné  –  Roland Lesaffre nous renseigne sur l’origine de la fameuse dispute entre Marcel Carné et Michelangelo Antonioni. Des coupures de presse à ce sujet ont été conservées par Roland Lesaffre lors de la remise du prix Lumière en 1990. L’origine de la dispute remonte à 1942. Marcel Carné est alors sur le tournage des Visiteurs du Soir. La Scalera Films, coproductrice, envoie sur le plateau un jeune homme de Ferrare pour l’assister à la mise en scène : c’est Antonioni. Mais cela fait un réalisateur de trop sur ce tournage. Carné et Antonioni finissent par se quereller…brouille qui durera 48 ans !

Michelangelo Antonioni est aussi présent dans les collections de la Cinémathèque grâce à ses collaboratrices indirecte ou très proche : Gladys Pascazio et Renata Franceschi.

Reflet de son activité de traduction des films des grands maestri, les archives de Gladys Pascazio rendent compte d’une période particulièrement foisonnante de la production italienne et en offrent un tableau exceptionnel à travers, notamment, les films de Federico Fellini, Luciano Emmer, Roberto Rossellini, Luigi Comencini et Michelangelo Antonioni. On y trouvera des éléments concernant les traductions de La Signora senza camelie (La Dame sans camélia) ou Il Grido (Le cri).

« La parola è la parola », c’est par ces mots que Renata Franceschi a concrétisé la promesse faite lors sa visite à la Cinémathèque française en février 2013, de donner son scénario de tournage annoté d’Identificazione di una donna (Identification d’une femme). Parole vaut donc acte pour la scripte italienne qui reprend ici les célèbres mots de Visconti à Langlois (Visconti avait promis à Langlois de lui donner un scénario de Ludwig. Ce qu’il fit par l’entremise de sa scripte, Renata Franceschi, jugeant que son scénario à elle était beaucoup plus intéressant que le sien. Il n’avait alors pas voulu signer de document officialisant le don et avait conclu « La parola è la parola »). Celle qui vit aujourd’hui au Brésil, mais qui fut témoin privilégié du travail d’Antonioni, de Visconti ou de Rosi, livre ici un document rare et unique. Plus de 400 pages annotées qui permettent de suivre la construction de ce film du début des années 1980.

Ces documents sont consultables à l’Espace chercheurs de la Bibliothèque du film.


Antonella Rotolo est chargée du traitement documentaire des archives à la Cinémathèque française.